On a vu cette année une réelle volonté de faire émerger une organisation autonome féministe autour de la journée du 8 mars, et ce afin de ne pas se laisser dicter des mots d’ordres et modalités d’action par les syndicats et institutionnels (qui n’ont même pas voulu communiquer le parcours prévu). Une réunion publique a été organisée le vendredi 1er mars dans un bar afin d’essayer de proposer une auto-organisation de celles et ceux ne se retrouvant pas dans les appels traditionnels. Des comités de mobilisation et d’action ont déterminé des modalités d’organisation concrètes, comme les moyens de défense et les actions mis en œuvre au sein de la manifestation. Le départ était fixé à la fac pour permettre un débrayage et de rejoindre la manif syndicale à République à 15h40, heure symbolique à laquelle les femmes arrêtent d’être payées par rapport au salaire des hommes.
On nous parle des inégalités salariales, au même titre que la parité et toutes ces batailles auxquelles se raccrochent tant bien que mal tout une frange du féminisme. Mais de quelles salaires parle-t-on? Celui des cadres, des RH, des cheffes? Et qu’en est-il de celui des femmes de ménage, des assistantes maternelles, des ouvrières… Ce manque d’analyse de classe nous laisse perplexe. Faire la grève? Manifester ? OUI, mais nous ne voulons pas seulement d’un jour par an, pour la symbolique. Il est temps de penser la grève comme une pratique de lutte offensive et non comme un appel mou sans lendemain. À Rennes, et sûrement dans beaucoup d’autres villes, des bureaucrates ont tenté de saisir cette opportunité pour reprendre le contrôle sur les manifs, qui depuis quelques mois leur échappe. Mais la rengaine gestionnaire négociant l’aménagement de la défaite nous fatigue. Les centrales syndicales ont depuis des décennies participé à transformer l’un des principaux outils de lutte des prolétaires en démonstration pathétique de leur absence de combativité et de leur incapacité à défendre les travailleuses (et travailleurs).
La manif féministe a donc quitté son point de rassemblement après une demi heure de prises de parole, avec en tête la banderole de l’intersyndicale. Rapidement, cette tête molle semble incapable d’être à la hauteur de ce qu’il se passe le 8 mars : des centaines de « féministes, déter et révolutionnaires » attendent plus de cette journée. Après quelques minutes de coude à coude de banderoles, c’est avec une certaine spontanéité que la majeure partie des gens présents décident de dépasser les drapeaux syndicaux pour rejoindre la tête du cortège. Arrivé devant la préfecture de région, le cortège syndical s’arrête après avoir parcouru les 100 « interminables » mètres, pendant lesquels il n’aura pas manqué de s’en prendre aux camarades qui tenaient la banderole, allant jusqu’à les menacer d’aller poukave aux keufs, avec qui il était en contact permanent of course.
Le cortège alors composé de différentes tendances du féminisme non institutionnel décide de poursuivre son chemin, bien décidé à ne pas s’arrêter là. Après quelques détours forcés par la présence de keufs en nombre pour nous empêcher d’accéder au centre-ville bourgeois, le cortège retourne sur République, et commence à couvrir de slogans les différentes vitrines et cibles décidées lors des comités actions. Pharmacies, gynécos (qui refusent de délivrer la contraception), magasins de lingerie, galeries lafayette, tous ces commerces qui se font du fric sur l’image de la femme et dans lesquels nous n’auront jamais les moyens de nous payer quoi que ce soit. Très rapidement, pleins de gens se prêtent au jeu, on s’arrête, on réfléchit à ce qu’on écrit, et c’est parti, applaudissements, chants féministes, puis ça continue. Il serait temps que tout le monde commence à prendre au sérieux le nouveau souffle du féminisme ; l’expression d’une force collective qui se concrétise dans notre manière de bouger toutes ensembles, de prendre les décisions, de choisir les cibles et de défendre le cortège. Malgré la présence de condés, de plusieurs tentatives pour nous bloquer, et d’une charge en queue de cortège sur Charles de Gaulle pour s’emparer d’un caddie de bouffe (!), nous resterons ensemble, et ce jusqu’à la fin de la manif.
Et ce n’est que le début…
Continuons de nous retrouver pour s’organiser, et s’autonomiser dans la lutte, poser nos propres dates de manifestations et nos modalités d’organisations. Nous ne voulons pas nous contenter des « journées nationales de..» mais infuser chacunes de nos luttes par nos pratiques et nos objectifs. Réapproprions nous la rue, parce que c’est aussi un espace pour diffuser nos idées, nos pratiques. Organisons nous dans les comités actions, renforçons notre force collective car nous laisserons personnes nous empêcher de lutter, ni les services d’ordres des syndicats, ni les flics, ni les patrons qui nous niquent la gueule au travail, ni tous les connards qui espèrent que nous serons dans la rue seulement le 8 mars.
???? Féministes, déters et révolutionnaires ! ????