De la mobilisation à la perte de son taf, poursuites des représailles à Science Po Rennes

Nous reproduisons ici un texte transmis par des camarades en lutte à l’IEP de Rennes sur la répression que mène la direction contre le ouvement social

La direction plie, faisons la rompre !

Depuis la rentrée, deux de nos camarades subissent la répression de la direction de Sciences Po Rennes. Recrutées au mois d’avril pour un poste au sein de l’établissement (promesse d’embauche par mail et orale, procédure de recrutement en cours à la BU), elles voient finalement leur poste refusé et la procédure brusquement interrompue. La raison à cela ? Officiellement “restrictions budgétaires, sécurité et restructuration des services” puis finalement “transparence du recrutement” et “priorité aux boursiers”, en réalité il s’agit d’un ciblage personnel de personnes identifiées comme mobilisées et indésirables. Une nouvelle procédure de recrutement est lancée par la direction, ouverte à l’ensemble des étudiant.es et non plus par candidature libre comme les années précédentes. Cette manœuvre s’inscrit dans le prolongement de la répression politique du mouvement social du printemps 2018 à l’IEP (flics dans l’Institut, collaboration assumée et active de la direction avec la police et les RG notamment) et à Rennes. Déjà l’année dernière, les étudiant.e.s avaient anticipé collectivement la potentielle tentative d’isolement (menace de redoublement, d’exclusion, d’accusation de plagiat, etc.) par la création d’un collectif de défense étudiant.

A la répression personnelle et lâche répond une organisation collective et déterminée ! Dès la publicisation de l’affaire, les étudiant.es de l’IEP, une partie du personnel et hors les murs des militant.es rennais.es ont répondu à cette manœuvre lâche, réactionnaire et précarisante. Illes lancent un boycott à la nouvelle procédure de recrutement. Il est largement suivi : la preuve, seule une personne postule ! En parallèle, un communiqué est rédigé par un groupe de camarades solidaires et relayé par un ensemble d’organisations collectives et partagé par des médias militants nationaux. L’affaire fait du bruit et prend sens au niveau national dans une dynamique de lutte contre la répression. Aussi, le syndicat Force Ouvrière à l’appel de certains professeur.es et personnel.es envoie un communiqué pour souligner le danger de telles manœuvres.
Cette épisode marque durablement le personnel de l’I.E.P. déjà durement frappé par un ensemble de pressions quotidiennes : mépris personnel des agents subsidiaires, restructuration permanente des bureaux, verrouillage du Conseil d’Administration, imposer des congés non-payés de manière arbitraire et imprévue, etc. Une personne, prise dans l’étau de la direction se met même en arrêt. Le personnel se mobilise localement en protestant dans le cadre de réunions internes, preuve s’il en faut que la répression ne cible pas uniquement des étudiant.es politisées mais bien plus largement les individus les plus fragiles, précaires et qu’elle défend un système hiérarchique, autoritaire, dont les magouilles chroniques sont les moyens de gestion des affaires courantes. On rappellera à l’occasion les multiples condamnations par la justice pour copinage dans des recrutements de professeur.es., réaffirmées récemment par le Conseil d’Etat dans une nouvelle condamnation.

Cette affaire montre clairement plusieurs choses : la mobilisation paye, elle est efficace. Elle peut largement être entendue et diffusée par un grand nombre de personnes, et pas uniquement dans le seul cadre étudiant. En effet, la direction cède, en accordant un semestre à chacune des deux étudiantes auparavant privées de poste et une année entière à l’autre étudiante. Cela constitue une victoire nette au sens où la direction plie et est obligée de revenir sur ce qu’elle avait décidé. Sa manœuvre apparaît ridicule aux yeux de tou.tes puisqu’elle n’aura permis de priver qu’un seul semestre aux étudiantes autrefois indésirables. Pourtant, cette victoire reste mince si l’on rappelle le peu d’heures et d’argent que constitue ce poste, à savoir 5h/semaine payées au SMIC et même dérisoires par rapport aux sommes gagnées par la direction (entre autres prime de 10 000 euros pour le directeur des études à chaque nouveau partenariat ouvert), engagées dans des projets pharaoniques (un lustre à 13 000 euros dans l’accueil, nouveau bâtiment ultra moderne) et toujours à la pointe d’un modèle commercial et néolibéral (business avec des groupes comme Veolia, création cette année d’un master avec l’école de commerce Audencia). Ainsi, nous ne nous contentons pas de si peu, allons plus loin. Nous réclamons :

– la réintégration des deux étudiantes avec indemnisation des mois non travaillés.
– le maintien permanent d’un poste réservé aux boursiers en plus des deux existants.
– la fonctionnarisation de tous les vacataires.
– la fin de l’utilisation des contrats précaires.
– l’arrêt des pratiques répressives à l’IEP.
– la démission de l’équipe de direction.

On en profite pour remercier l’ensemble des soutiens et des personnes qui se sont mobilisées contre la répression à l’IEP.

ORGANISONSNOUS POUR POUVOIR CONTINUER A LUTTER DANS NOS LIEUX D’ETUDES ET DANS NOS LIEUX DE TRAVAIL !

Des camarades solidaires

 

Pas de cadeaux pour les patrons !

Un petit texte sur la période de noël auquel nous joignons notre questionnaire d’enquêtes militantes ! Enquête militante

Pendant la saison de Noël 1974, le groupe radical de théâtre danois Solvognen a organisé plusieurs jours d’événements habillés en Père Noël, aboutissant à une émeute dans un grand magasin de Copenhague. Dans un contexte de crise du chômage, des groupes de pères Noël se promenaient sur des patins à roulettes, d’autres attaquaient les bâtiments de l’État avec des fourches, d’autres rendaient visite aux personnes âgées dans les foyers de soins, et aux enfants dans les écoles. Les événements ont atteint leur apogée lorsque l’Armée du Père Noël est entrée dans un centre commercial et a commencé à distribuer gratuitement des cadeaux des étagères du magasin aux acheteurs, en disant « Joyeux Noël! Aujourd’hui, personne n’a à payer. » Ils ont justifié leurs actions en disant qu’ils rendaient des cadeaux aux travailleurs qui les avaient faits.

 

Noël, cette période merveilleuse où tous nos rêves se réalisent, où tous nos problèmes disparaissent sous une chape de cadeaux et de chocolats. En tout cas c’est ce que les patrons veulent nous faire croire, parce qu’en vrai c’est surtout une période intense de production et d’écoulement de marchandise.

 

Par ici, l’industrie agroalimentaire tourne à plein régime, les commerces embauchent comme jamais, pareil dans la logistique (centres de tri, entrepôts de magasins de jouets ou de grandes surfaces) où les intérimaires se multiplient. Du coup vu comment c’est galère de trouver du taf à Rennes on va pas faire la fine bouche et on va encore aller bosser quelques semaines dans des conditions de merde. Parce qu’en parallèle c’est les cadences qui augmentent, la pression de nos chefs s’intensifie, tout doit être prêt pour que la magie (des profits) de Noël soit sans accrocs.

Et puis la douille qui nous fait accepter tout ça c’est qu’on a justement besoin de thunes à Noël, plus que d’habitude en tout cas. Pour les cadeaux, pour les vacances, pour se faire un bon gueuleton parce qu’on a le droit de se faire plaisir aussi. Et ça les patrons ils le savent, du coup c’est le festival des primes à la productivité, à la présence et on nous remet une dose de compétition entre travailleurs, ça doit être l’esprit de Noël !

En bref en cette période de fêtes, l’exploitation qu’on vit toute l’année devient particulièrement lisible, parce qu’on nous en demande plus, que les chefs sont plus infects, que la compétition et le chantage à la prime sont poussés à leur maximum. C’est pour ça nous trouvons ce moment particulièrement intéressant de diffuser des enquêtes militantes, un questionnaire que nous avons conçu pour mieux comprendre les différents situations vécues au travail, mieux voir ce que nous avons en commun et comment s’organiser pour être plus fort collectivement.

Parce que l’intérêt de cette période où les patrons se gavent plus qu’une oie avant les fêtes, c’est aussi que si on relevait la tête et qu’on arrêtait de subir on pourrait leur faire mal, très mal. Alors que le gouvernement lâche des miettes pour calmer la colère qui s’exprime en france depuis quelques semaines, pourquoi ne pas pousser l’avantage et porter l’attaque contre le patronat ?

Il y a fort a parier que les dommages économiques qu’auraient des grèves et des blocages en cette période pourrait mettre les patrons en panique et pourquoi pas nous faire gagner plus que des miettes.

Un blocage et ça débloque !

 

Mardi 2 octobre l’AG de Rennes 2 a voté le blocage de la fac de villejean pour la journée du 9 octobre. Les participants de cette AG sont principalement étudiants mais voient dans la fac de Rennes 2 un lieu d’organisation pour tous ceux qui veulent lutter, malgré leur isolement au travail, dans leurs lieux d’études. C’est une AG de lutte, tout le monde peut venir y participer, c’est comme ça depuis un bon bout de temps et c’est très bien ainsi, dans une période où l’on veut toujours plus nous séparer les uns des autres et faire que nos combats ne se rencontrent jamais.

L’AG de rennes 2 a donc voté un jour de blocage le 9 octobre, jour d’appel national à la grève par différentes organisations syndicales (CGT, FO, UNEF, UNL, SUD, FSU), sous un mot d’ordre très général d’opposition à la politique du gouvernement Macron. Et comme d’habitude sans propositions concrètes pour construire un rapport de force. Une date de rentrée comme tous les ans, pour chanter ‘’tous ensemble grève générale’’ (en évitant de l’organiser), se rappeler qu’on existe et surtout rappeler qu’on est là avant les élections professionnelles qui arrivent dans la fonction publique. Les directions syndicales nous font le même coup depuis des années. Alors que nous les prolos on s’en prend plein la gueule, le tarif syndical c’est un jour de grève par mois et retour au turbin. Chacun se défend dans sa boîte comme il peut et surtout pas de violences ou de dégradations parce que l’important c’est la RE-SPECTA-BI-LI-TÉ. Du coup y’a tout qui passe. Depuis combien d’années on n’a pas gagné un truc?

L’AG de Rennes 2 a décidé d’un jour de blocage, parce qu’elle est constituée de gens qui prennent la politique et la défense de leurs droits sérieusement. Parce qu’elle est constituée de gens qui, étudiants ou pas, sont presque tous précaires et subissent effectivement les politiques de ce gouvernement comme des précédents. Parce que contrairement aux permanents syndicaux ou à ces merdes de dirigeants confédéraux dans leur tour d’ivoire, les réformes on les paye cash.

L’AG de rennes 2 a décidé d’un jour de blocage de la fac parce que le blocage et l’occupation des lieux de travail et de production (dans ce cas de production de savoir mais est-ce si différent?) font depuis toujours parti de l’arsenal de ceux qui luttent. Parce que le but de la grève c’est de gêner le fonctionnement normal de l’économie et du travail, pas juste aller faire une promenade avec ses vieux potes (même si c’est aussi une raison tout a fait valable de faire grève). Parce que contrairement aux directions syndicales ou à tous ceux à gauche qui s’indignent des blocages, on n’a pas oublié comment le prolétariat a gagné l’ensemble des maigres ’’acquis’’ sociaux dont tout le monde se gargarise. Par la grève sauvage, l’occupation (en 36, en 68…), le blocage économique, le sabotage, l’émeute… Sans doute pas en écoutant ceux qui disaient qu’il fallait retourner travailler parce qu’on n’aurait pas plus ou n’importe quelle autre connerie pacificatrice.

Donc l’AG de Rennes 2 a voté un jour de blocage. Et la présidence a commencé à agiter le spectre de l’occupation de l’année dernière, de la liberté d’étudier, de l’année universitaire déjà menacée et toutes les imprécations libérales qu’ils auront pu trouver. Pour un jour de blocage, qui paraît déjà pas très cher payé par rapport aux attaques qu’on subit. Mais bon jusque là rien de très étonnant, le président joue son rôle de bon gestionnaire de l’entreprise rennes 2, de défenseur de la paix sociale sur le campus. Il réussit à monter en épingle cette journée unique de blocage et convoque une assemblée générale du personnel en banalisant deux heures de cours (là pas de problème pour la liberté d’étudier…). C’est là que les masques tombent. Une déclaration est votée se concluant en affirmant que ‘’La direction et les personnels emploieront tous les moyens appropriés pour continuer à exercer leurs missions d’enseignement et de recherche’’. Seule la CGT s’abstiendra (sans voter contre…). Le représentant du SNESUP (membre de la FSU qui appelle à la grève ce jour-là et dont Olivier David, le président, est membre) propose d’organiser un rendez-vous pour organiser le déblocage de la fac. Nous avons donc des syndicats professionnels (notamment de profs puisque la CGT organise principalement le personnel non éducatif et le SNESUP uniquement les profs) qui se proposent, sur un jour de grève, de monter une milice pour débloquer la fac et maintenir son bon fonctionnement. On vous laisse un moment pour penser aux implications de cette information et on en profite pour rappeler à tous ces profaillons, sans doute les même que ceux qui traitaient les bloqueurs de fascistes l’année dernière, ce qu’était l’action des faisceaux de combat, les fameuses chemises noires qui constituèrent le noyau du Parti National Fasciste en Italie.

L’action principale des chemises noires avant la prise du pouvoir de Mussolini était de faire la guerre au mouvement ouvrier et révolutionnaire, et notamment de faire le coup de poing contre les blocages et occupations d’usines très nombreuses à ce moment. Ces pratiques ont un nom, le squadrisme, en bref se faire les sous-fifres et le bras armé de l’État et du patronat.

Nous avons donc d’un côté une assemblée de lutte qui s’est notamment distinguée l’année dernière ou en 2016 par une longue occupation, une combativité à la hauteur des attaques subies, une tentative de composition permanente avec d’autres secteurs et un soutien effectif et quotidien aux autres luttes du coin, comme celle des facteurs, qui au cours de leur grève de 4 mois étaient eux aussi venus un matin apporter leur soutien au blocage de Rennes 2.

De l’autre nous avons des profs qui révèlent leurs vrais visage de bourgeois, parvenus ou pas, toujours prêt à défendre l’ordre en place, même si ça tombe sur un jour de grève. Profs qui ne se sont jamais pointés à l’AG de Rennes 2, sauf pour des appels au calme, alors qu’elle leur a toujours été ouverte. Qui n’ont apporté un soutien au mouvement étudiant que du bout des lèvres, en 2016 comme en 2018. Sans jamais se mettre en jeu, alors que nous subissions la répression des flics et des juges. Des profs ‘’de gauche’’ qui ne préviennent pas de l’expulsion de la fac prévue par la police alors qu’ils sont au courant, et même présents. Et donc maintenant des profs, syndiqués au SNESUP, donc supposément opposés à la politique du gouvernement, qui se proposent de se réapproprier des pratiques qui historiquement appartiennent au fascisme et au syndicalisme jaune. Nous n’avons pas besoin d’éducateurs, nous crachons à la gueule de ceux qui défendent leur entreprise plutôt que de se ranger du côté de ceux qui luttent !

Des prolétaire enragés

PS : Au personnel de Rennes 2 et étudiants qui reste hésitant sur la question du blocage ou de s’y opposer physiquement. Nous rappelons que l’AG de Rennes 2 est ouverte à tous que la pertinence du blocage peut y être discutée par n’importe qui. Si vous souhaitez vous investir contre la politique mortifère de ce gouvernement n’hésitez pas à venir y parler. On se permet de rappeler l’intérêt stratégique du blocage qui n’est absolument pas fait pour emmerder qui que ce soit d’autre que le gouvernement et les réacs (de gauche comme de droite) et pour libérer les étudiants de leurs obligations (parce que dispense d’assiduité ou pas quand y’a cours y’a cours).

Présentation du livre « Un court moment révolutionnaire » Jeudi 11 Octobre

Le groupe A$AP Révolution vous convie à son évènement de rentrée. Nous avons choisi pour cette occasion de faire venir Julien Chuzeville, historien du mouvement ouvrier pour débattre de son livre « Un court moment révolutionnaire ».

 

« Un court moment révolutionnaire » c’est l’histoire de ces années qui auraient pu tout changer. L’histoire des hommes et des femmes qui ont construit le Parti Communiste en France avec l’espoir d’une révolution imminente. Un travail d’archive passionnant sur une période allant en gros de 1914 a 1924, qui mélange habilement histoire politique et trajectoires individuelles. Julien Chuzeville y aborde le processus politique qui, du refus de l’union sacrée pendant la guerre de 14 à l’espoir créé par la révolution russe, conduit toute une génération à rompre avec la vieille sociale démocratie pour créer en France comme dans toute l’Europe les Partis Communistes. C’est aussi une histoire d’espoirs déçus, de principes trahis, et finalement une histoire oubliée. Écrasée sous la chape de plomb du « socialisme réellement existant » et de la réécriture stalinienne du communisme. Ce qui nous intéresse dans cette histoire c’est avant tout de montrer la force d’un moment ou tout était possible, d’un moment finalement plus si différent de notre époque. Parce qu’il est pour nous nécessaire d’analyser les réussites et les erreurs de ceux qui ont lutté avant nous et parce que leurs principes et idées doivent nourrir les nôtres.

La présentation servira de base à une discussion avec l’auteur avant l’apéro!
Venez nombreux !

JEUDI 11 OCTOBRE 19H30
BAR LE PANAMA
28 Rue Bigot de Préameneu, Rennes (métro Jacques Cartier)

Evènement facebook :
https://www.facebook.com/events/329491840931849/?ti=as

Blog : https://asap.noblogs.org/
Fb : http://www.facebook.com/ASAP-R%C3%A9volution-957899581045845/

RETOUR VERS L’AUTONOMIE ITALIENNE (2)

 

Bologne, printemps 2017, alors que la ville commémore le quarantenaire de l’année 1977 et tente d’enfermer dans ses musées une réécriture de cette histoire qui lui échappe, les collectifs en lutte tentent de faire revivre en manifestation et dans de multiples événements ce qui a traversé ces dix longues années… À cette occasion, nous nous sommes entretenus longuement avec un camarade membre de Potere Operaio puis de l’Autonomie pour élaborer l’interview qui suit, traduite depuis l’italien et découpée en plusieurs épisodes, en voici la seconde partie.

 

… Une transition parfaite pour parler de l’antifascisme ! (voir partie 1)

 

Comment s’est transmise la mémoire de la période de la lutte antifasciste ? De ce que nous en savons, c’est quelque chose qui a été très structurant dans le mouvement ouvrier après guerre, avez-vous réussi à obtenir une véritable transmission du savoir, de la mémoire de ces luttes ?

Il y a eu de la transmission. Au début des années 70, il y avait beaucoup de militantisme antifasciste, d’ailleurs nous l’appelions  »Antifascismo militante »1. Ça nous avait été transmis par nos pères2 qui étaient nombreux à être des partisans3. Mon père par exemple a été un partisan ici à Bologne, il était dans la brigade Irma Bandiera4. Et énormément d’entre-nous s’étaient intéressés aux luttes justement à travers l’expérience antifasciste de nos pères. L’antifascisme était intrinsèque au mouvement ! Nous nous battions pour les intérêts du prolétariat, et parmi les intérêts du prolétariat, il y a aussi l’antifascisme. Pour nous c’était lié : s’opposer à l’exploitation, aux coups de la police, à la Démocratie Chrétienne qui organisait attentats et massacres dans les gares et les trains5. L’antifascisme au début des années 70 tenait une place très importante dans le mouvement. Au temps des groupes PO (Potere Operaio), Lotta Continua, MLS et d’autres groupes politiques surtout dans le Nord, on s’organisait en équipes, parfois armées, pour aller les chercher, les tabasser pour les rendre  »physiquement inutiles » et les empêcher de sortir de chez eux.

Partisanes dans les rues de milan à la libération, 26 Avril 1945 .
Est-ce qu’il y a eu aussi une transmission matérielle entre partisans et militants après-guerre (armes, techniques…) ?

Ça c’est une histoire très intéressante que nous avons beaucoup étudiée et surtout vécue, nous, les jeunes de l’époque, à la première personne. Parce que, des partisans on en connaissait beaucoup et comme je disais plus tôt, nombre de nos parents ou membres de nos familles avaient été partisans, donc la discussion avec eux a toujours existé. Souvent c’était aussi conflictuel parce que les partisans du PCI (Partito Communista Italiano) disaient que la résistance était finie, que les fascistes avaient été défaits, qu’il n’y avait plus besoin de la lutte armée et donc qu’il avait été juste de déposer les armes. Après il y avait une petite partie du mouvement partisan qui n’avait pas abandonné les armes parce qu’il n’avait pas confiance dans son parti, qui était le parti communiste. Et il lui donnera raison parce qu’après on a vu comment le fascisme est revenu. En Italie, à la différence d’autres pays, le fascisme n’a jamais disparu, il a survécu à la Résistance, à l’avènement de la république et il a continué parce qu’il n’y a jamais eu de dé-fascisation, contrairement à l’Allemagne ou à la France ou à d’autres pays européens6. Togliatti, le chef du PCI, proclama l’amnistie pour les fascistes, on ne les fusilla plus et il sortirent tous de prisons. Les criminels les plus dangereux, tous amnistiés. Et c’est pas grand-chose par rapport a ce qui a été un énorme problème pour nous : tous les fonctionnaires municipaux, de police, de gendarmerie et tous les magistrats, tous les enseignants de l’université ont transité du fascisme à la république. Tous ceux-là étaient fortement compromis dans le fascisme, ils en avaient fait partie et ils se sont transférés directement du fascisme à l’État. Une fois le régime fasciste terminé, ils sont tous restés à leurs postes. Et donc le mode fasciste de diriger le pays est resté, voilà pourquoi une partie, hélas petite, des partisans a résisté parce qu’ils avaient compris que c’était en train d’arriver. C’était les partisans les plus politisés et ils ont alors caché leurs armes.

A partir de 69 , mais surtout en 70-71, et surtout nous de Potere Operaio, on avait des contacts avec ces partisans, à travers des figures intermédiaires, comme Feltrinelli par exemple, si ça vous intéresse allez voir l’histoire de Feltrinelli7 mort sous un pylône à Segrate (près de Milan).

Ces partisans ont donné une partie des armes qu’ils avaient cachées, aux groupes qui à cette époque commençaient à s’organiser pour une lutte armée en Italie. On a eu beaucoup de satisfaction avec ces partisans qui s’organisèrent avec nous jusqu’à ce qu’ils soient vraiment trop vieux et qu’ils ne soient plus en mesure physiquement.

Le reste des partisans étaient aussi avec nous dans l’absolu parce qu’ils se reconnaissaient dans les luttes ouvrières et y participaient pour bon nombre d’entre-eux. Mais ils étaient avec le PCI et le syndicat. Avec ceux-là, on s’entendait bien quand on parlait des fachos mais ils restaient très liés au PCI.

 

Il y avait des groupes fascistes organisés à Bologne8?
Militants fascistes d’Avanguardia Nazionale, Rome , années 70

À Bologne ils ont essayé mais notre tradition antifasciste, même si elle découlait du PCI, était encore très très forte. Dites-vous qu’en 72, la résistance pour nous était à peine terminée, je veux dire qu’elle était en chacun d’entre-nous. J’ai commencé Potere Operaio à 18-19 ans, et en 72 j’avais 23-24 ans comme beaucoup d’autres dans le mouvement. Quand tu es très jeune, tu te jettes vraiment dans les choses et donc l’activité antifasciste était centrale pour nous.

Après 73, il y a eu des transformations pas seulement dans l’autonomie, dans le mouvement en général mais aussi par rapport à l’antifascisme. A ce moment, la manière de se battre contre le fascisme change.

 

C’était des pratiques qui étaient diffusées dans le mouvement ou il y avait des groupes qui se spécialisaient sur l’antifascisme ?

Avant 73, tous les groupes avaient des services d’ordre9. Ils servaient aux organisations étudiantes, ouvrières, etc dans les affrontements de rue. Et en parallèle, il y avait aussi disons des petits groupes spécialisés dans l’antifascisme. Ils s’organisaient en groupe peu nombreux pour rester discrets et allaient chopper les fachos en bas de chez eux. L’objectif n’étaient évidemment pas de les tuer comme faisaient nos pères, nos grand-pères, ce n’était plus possible. Notre objectif était de les invalider c’est-à-dire de rendre impossible physiquement pour eux ne serait-ce que de marcher dans la rue. C’était ça notre objectif et nous l’avons pratiqué dans un sens réellement militant.

Après les choses ont changé parce que la répression anti-ouvrière sur l’autonomie et le mouvement s’est faite plus forte. Nous avons commencé à considérer l’antifascisme comme, je sais pas trop comment vous dire, un instrument capitaliste pour nous faire perdre du temps. Dans un certain sens, les capitalistes nous piégeaient dans la lutte antifasciste en finançant les fascistes, en les faisant réapparaître dans la rue, etc… faisant ainsi en sorte que nous nous occupions d’eux et pas des luttes. Nous avons alors appris à ne pas tomber dans ce piège, nous avons arrêté de nous occuper des fascistes en allant les chercher et donc d’y mettre plein d’énergie. Nous avons décidé à l’inverse d’uniquement se défendre quand eux sortaient et de porter toute notre attention aux luttes ouvrières, étudiantes et populaires sur le terrain des quartiers10. S’occuper des fasci si, mais d’une autre manière. Avant c’était vraiment structurel pour nous, c’était vraiment une activité quotidienne. Après 73, on leur mettait dessus quand ils se faisaient voir bien sûr. Mais s’ils restaient tranquilles, nous on voulait faire autre chose.

 

 

1. Antifascismo militante est une appellation construite par les mouvements de la gauche extraparlementaire en opposition avec l’antifascisme institutionnel. Ils prônent l’action contre les groupes et individus d’extrême droite (agression physique, attaque de locaux ou bars , manifestations…) plutôt que leur simple dénonciation morale.

2. On relève que l’on parle ici seulement des « pères » soit des hommes dans la résistance. Or, d’après des estimations, sur les 300 000 participants à la lutte armée contre le fascisme en Italie, au moins 35 000 étaient des femmes. En 1943, des militantes notamment du Parti Socialiste et du Parti communiste fondent les Groupes de Défense des Femmes (GDD). Investis essentiellement par les partisanes des partis communistes, ces groupes s’ouvre en 1944 à toutes les femmes antifascistes. Les membres des GDD assistent les proches des déportés ou des victimes du fascisme, organisent des grèves, créent des réseaux de propagande de la Résistance, du boycottage de la livraison de denrées aux forces militaires mussoliennes et mènent des actions de sabotage de la production de guerre. En parallèle, des résistantes investissent également les groupes armés de partisans telles la Brigade Irma Bandiera. De nombreuses femmes malgré les obstacles d’un carcan social très conservateur se sont ainsi activement impliquées dans la résistance italienne.

3. Le terme de partisans est employé entre autres pour nommer les résistants aux régimes fascistes européens du XXème siècle. Les partisans sont des combattants n’appartenant pas à des armées régulières mais qui ont recours à des actions de guérillas armées pour défendre leurs idées politiques. On parle également de franc-tireurs. Le terme partisan est plus particulièrement utilisé pour les résistants communistes et notamment ceux liés aux partis communistes de l’époque.

4. La brigade Irma Bandiera est constituée à l’été 1944 (elle prend le nom d’une partisane bolognaise torturée et assassinée par les fascistes) et qui regroupe plusieurs noyaux armés qui opéraient dans le centre historique de Bologne et sa banlieue proche. La décision de créer cette brigade fut prise en prévision d’une imminente insurrection populaire. Elle faisait partie de la division Bologne. La brigade eut 94 tués et 46 blessés sur 1066 combattants reconnus.

5. Les années suivant 68 en Italie sont marquées par plusieurs massacres de masse perpétrés par des groupes néofascistes. Les plus marquants étant l’attentat de Piazza Fontana à Milan en 1969 qui tua 17 personnes et l’attentat de la gare de Bologne en 1980 qui  en tua 80. Ces attentats visaient à faire accuser le mouvement révolutionnaire et de fortes suspicions existent sur l’implication des services secrets et du gouvernement italien. Des responsables des services sercrets ont par exemple été condamnés pour entrave à l’enquête dans l’affaire de l’attentat de la gare de Bologne.

6. Il apparaît pertinent de nuancer ici le processus de dé-fascisation dans les autres pays européens. En France, on peut difficilement parler d’une dé-fascisation intégrale au-delà de l’ « épuration sauvage » immédiate (surtout des exécutions sommaires). Des partisans du régime de Vichy s’étant activement impliqués dans la collaboration avec l’État nazi vont bénéficier d’amnisties dès 1947 dans le cadre d’une politique d’unité nationale qui développe aussi en parallèle le mythe résistancialiste diffusé dans la population. Si des sanctions judiciaires sont prononcées en France, l’État va néanmoins mettre en place une politique de répression des collaborationnistes moins dure que dans d’autres pays européens comme la Norvège ou la Belgique. Par exemple, le procès de Maurice Papon, haut fonctionnaire de Vichy, qui se tient dans les années 1990 illustre la reconnaissance tardive du rôle de l’État de Vichy dans la mise en œuvre des politiques nazies et du discours de déresponsabilisation en vigueur jusque là.

7. Giangiacomo Feltrinelli né en 1926 est l’héritier d’une richissime famille milanaise. En 1944, il s’engage dans un groupe de combattants qui participe à la libération de l’Italie et à la lutte antifasciste. L’année suivante, il rejoint la fédération milanaise du parti communiste. Lorsque les éditions milanaises du Parti font faillite, le « milliardaire rouge » décide de pallier ce manque, en fondant la maison « Giangiacomo Feltrinelli editore » en 1954. A la fin des années 1950, le milliardaire prend ces distances avec le PCI pour se rapprocher des courants tiers-mondistes ce qui le conduit à tisser des liens avec entre autres Fidel Castro. A partir de 1969, Feltrinelli s’engage auprès de groupes d’activiste d’extrême gauche, il rentre alors dans la clandestiné et laisse les rênes de son entreprise à sa femme. Le 14 mars 1972, le parcours de Giangiacomo Feltrinelli arrive à son terme au pied d’un pylône électrique supportant une ligne à haute tension à Segrate, une commune de la province de Milan. Son corps est retrouvé au petit matin déchiqueté par l’explosion d’une bombe, qu’il semble avoir préparée pour saboter l’approvisionnement électrique de la ville lombarde et la plonger dans le noir.

8. Le mouvement fasciste en Italie survit assez bien à la chute du régime mussolinien. Dès 46, le Movimento Sociale Italiano (MSI) est créé à l’initiative de plusieurs groupuscules, héritiers directs ou autoproclamés du Parti National Fasciste (PNF) de Mussolini. Le MSI autour duquel gravitera l’ensemble du mouvemen néofasciste italien est aujourd’hui dissout mais voit ses émanations persister jusque dans la coalition électorale aujoud’hui constituée autour de Berlusconi ! Les militants fascistes d’après-guerre se retrouve dans le MSI avec pour objectif de participer aux élections, avec pour credo par rapport au régime fasciste :  »Ne pas renier, ne pas restaurer ». En 54 et 60, des scissions voit successivement se créer Ordine Nuovo (ON) et Avanguardia Nazionale (AN), groupes antiparlementaires et plus radicaux dans leur pratiques. AN participa notamment à la tentative de coup d’État de 1970 en lien avec plusieurs secteurs de l’armée et des services secrets. Dans les années 70, on verra une multiplication de petits groupes plus radicaux notamment les Nuclei Armati Rivoluzionari (NAR), groupe armé qui commet plusieurs attentats et assassinats contre des camarades ou groupes de gauche, des actions contre l’État mais aussi le funeste attentat de la gare de Bologne en lien avec les services secrets.

9. À l’époque ce que les groupes de l’époque appellent service d’ordre désignent, contrairement aux SO actuels le plus souvent chargés de pacifier les manifs, une commission chargée d’organiser la défense des cortèges contre les flics. Cette commission spécialisée dans les actions coup de poing organisait aussi les actions offensives dans les manifs ainsi que les actions plus clandestines (actions contre des fascistes, braquages, …).

10. Il fait ici référence aux luttes qui ne sont pas dans les lieux de production mais dans les quartiers concernant le logement, l’opposition à de grands projets urbains, etc.

 

TOUT LE MONDE DÉTESTE LES EXPLOITEURS (et ceux qui les défendent) !

Nous sommes des étudiant-e-s salarié-e-s de McDo, des livreur-ses en scooter ou en vélo, des intérimaires d’usines, des champs ou de la mer, des animatrices-teurs et des pion-nes, des chomeur-euses, RSAste, etc. Nous faisons partie de cette classe qui produit tout de ce monde mais sans jamais en avoir la propriété ni même l’usage. Nous sommes des précaires en lutte à l’avenir incertain mais à la détermination certaine et forte. Nous sommes une partie du prolétariat toujours invisibilisée mais prête à se battre pour améliorer ses condition de vie immédiate.

Les diplômes si on en a ne nous préserveront pas de l’exploitation, et qu’importe, nous refuserons toujours d’être les chefs des travailleurs, de nos camarades de lutte.

Nous rageons des salaires, des conditions et des horaires de merde qui bousillent la santé, des réformes et de la répression qui les accompagne.

Nous affirmons que c’est en totale contradiction avec nos désirs de vivre mieux, bien manger, d’occuper des espaces agréables, de pouvoir faire la fête, de partir en voyage sans contraintes. Nous voulons de belles sapes, des systèmes son qui déboîtent, l’accès à plein de technologies, etc… Nous voulons le temps, la thune ET les moyens !

C’est pour cela, que dans le même élan, nous voulons lutter avec ambition pour accéder à une vie sans entraves et lutter radicalement pour qu’elle soit accessible à tous ! En ce sens, nous voulons nous auto-organiser en nombre pour se défendre contre les exploiteurs et leurs sbires et porter des offensives collectives afin de faire plier ces ennemis communs.

Depuis des mois à Rennes une liaison entre actuels, futurs ou potentiels travailleurs en lutte s’opère. Par la coordination, les revendications propres à chacun de nos secteurs se retrouvent dépassées par la volonté de nous allier contre les patrons et contre ceux qui défendent le système qui les maintient. Une ébullition se fait sentit dans les facs, les lycées, les bureaux de poste, les gares, les hôpitaux, les supermarchés, les entrepôts de distribution, les pôles emploi et tant d’autres espaces, à Rennes et ailleurs. Nous voulons élargir les actions et les potentialités de résistance.

Nous appelons à s’organiser à l’intérieur même des lieux d’exploitation, de formation et de gestion des travailleurs – d’inviter à des comités d’actions ouverts à tous les camarades afin de donner la possibilité d’échanger et de lutter ensemble dans le Mouvement !

Rejoignez la mobilisation et les espaces de liaison comme l’Assemblée Générale Interprofessionnelle pour se capter, se coordonner, organiser des actions et participer à la solidarité financière pour la grève !

Arrachons du temps aux cadences !

Faisons dérailler les chaînes de montage !

Nous voulons plus, toujours plus !

A$AP REVOLUTION

CONTRE L’ISOLEMENT AU TRAVAIL ET EN MANIF : CASSONS TOUTES LES NASSES !

 Compte-rendu de la manifestation du jeudi 22 mars, écrit le 01 avril 2018 par l’Assemblée Générale de  Rennes 2.

Il est important pour nous de raconter ce qu’il s’est passé le jeudi 22 mars pour ne pas laisser uniquement les journalistes écrire l’histoire de notre mouvement. Nous voulons, avec ce texte, donner une autre vision de cette manif, politique et stratégique, à partir du point de vue de celles et ceux qui luttent. Nous voulons comprendre les enjeux afin de penser la suite de la mobilisation et multiplier nos futures victoires.

POINT DE VUE DE RENNES2 :

Depuis 2016, l’AG de Rennes 2 regroupe des étudiant.e.s, des lycéen.ne.s et des précaires.

Le 22 mars, à 6h, la majorité des étudiant·e·s présent·e·s partent en cortège vers les lycées VHB et Coëtlogon, pendant que quelques personnes gardent le blocage de la présidence de Rennes 2. Les lycées du nord sont tous les deux bloqués. A 7h45, les flics en nombre débarquent devant VHB et nous dégagent en nous menaçant de nous emmener au poste. Même opération des keufs quelques minutes plus tard à Coët ! Les deux lycées sont donc débloqués avant même qu’une discussion ne s’amorce avec les lycéen·ne·s qui allaient en cours, empêchant une fois de plus toute forme d’organisation politique. Nous décidons donc de débrayer VHB puis de rejoindre les camarades de Rennes II.

Le cortège s’élance de la fac vers 10h, à 250, protégé par une banderole pour rejoindre le cortège interprofessionnel à Charles de Gaulle.

POINT DE VUE DE RENNES1 :

Les camarades du campus de Beaulieu, de la fac de droit, de la fac d’économie ainsi que de quelques lycées se sont regroupé-es pour bloquer Sciences-Po. A 8h, nous partons à une centaine, masqué-es et derrière une banderole afin de se protéger et des renseignements de plus en plus vénères et des flashballs qui, rappelons-le blessent à vie. Après une tentative de rentrer dans la fac de droit fermée et gardée par des vigiles comme depuis le début du mouvement, nous arrivons devant le lycée de Jean Macé. La direction voulant empêcher la sortie des lycéen-nes, nous cassons cette première nasse en envahissant le lycée. Le cortège grossi et c’est au tour de la fac d’économie puis des Beaux-Arts d’être débraillé. C’est alors que nous apprenons que le cortège parti de Rennes 2 est nassé. On discute et on se met d’accord très rapidement : on va aller aider les camarades à sortir de la nasse…

POINT DE VUE DE L’INTERPRO :

Au même moment sur la place Charles de Gaulle, le cortège de lutte interprofessionnel se met en place à l’avant de la manif. Il avait été initié par l’Assemblée Générale Interpro immédiatement soutenue par des travailleurs-ses du CHGR (Centre Hospitalier), des cheminot-es, des postier-es, des précaires, des étudiant-es et des lycéen-nes sous une banderole commune « Pour le service public et l’unité dans la lutte ».

La manif s’élance ! A l’avant, le débat fait rage : suivre le trajet déposé, ou aller délivrer les camarades ? L’info se répand dans la masse des 8000 personnes présentent ce jour. On s’engueule, on cri des slogans, on discute mais finalement la décision collective est prise : la manif tourne à GAUCHE direction place de Bretagne !

POINT DE VUE DE LA NASSE (RENNES2) :

Touchant à l’objectif de rejoindre le cortège interpro, les flics habituellement statiques décident de bloquer le cortège aux portes du centre-ville. La BAC et la BI aux fesses, masqué-es et armées, referment la nasse. Encerclé par une cinquantaine de flics, le cortège, serein mais incapable de forcer un premier temps la nasse, se met d’accord pour prévenir le cortège interpro réunit plus loin. Les modalités de résistance avaient été fixées collectivement en AG, notamment le refus de se démasquer et de se désolidariser. Les autres modalités sont fixées pendant la nasse, tout le monde s’appellera Camille Dupond (avec un -D ! vote à main levé). C’est la preuve que même nassé, le mouvement arrive à dégager des espaces d’organisation !

L’animation du cortège, ponctuée de chants et de moqueries, fut interrompue par le sergent en service venu négocier les conditions de notre capitulation. Incapable d’identifier des représentant-es à qui s’adresser dans la foule des visages masqués, c’est seulement avec l’arrivée de militant-es FO que le négociateur trouve un canal d’expression. Suite au refus du dialogue, il reviendra deux fois avec des exigences revues à la baisse : nous pourrions alors sortir sans être contrôlé-es et en acceptant de se démasquer et d’être fouillé-es. Finalement, il nous est même proposé de sortir sans autre contrainte que d’avancer un par un dans un corridor, avec un mètre de distance entre chaque camarade. Cette dernière tentative de séparer les gens est refusée avec la même détermination : « on part ensemble, on rentre ensemble ! ».

Au bout d’1h15, un nuage de gaz, des chants et des drapeaux apparaissent au loin derrière une ligne de casque. Les flics sont contraint-es de dégarnir les rangs de la nasse pour les stopper, sans succès. La ligne de flics est enfoncée par le cortège interpro et les quelques gendarmes mobiles restants sont débordés par les ex-nassé-es !

POINT DE VUE CORTÈGE INTERPRO :

La manif entière, détournée de son traditionnel parcours, arrive donc face au cordon de keufs. Derrière, nous apercevons les camarades du cortège de Rennes 2 qui s’impatientent après 1h15 de nasse.

Les banderoles commencent à pousser doucement les forces de l’ordre. Le cortège, sans distinction de section professionnel ou de statut social, hurle d’une seule voix « Dégagez ! Dégagez ! ». Les flics commencent à reculer puis se font vite déborder. Les quelques lacrymos lancées n’arrivent pas à disperser cette foule déter. A force d’avancer, les deux cortèges se rejoignent enfin pour ne former plus qu’un, unitaire, repartant vers le centre sous les yeux dépités des keufs.

CONCLUSION :

Cette solidarité au sein de la nasse et à l’extérieur, ce lien qui s’est crée entre les différent-es travailleur-ses, chômeur-ses, étudiant-es, lycéen-nes pour casser un dispositif policier est pour nous d’une valeur inestimable. Nous avons montré pendant cette journée que malgré nos différences sur les modes d’actions, sur les moyens de se défendre et de lutter, nous avons réussi, en débordant la stratégie policière, à réduire en miettes l’effort manifeste du gouvernement de toujours nous séparer, nous dissocier, nous éloigner.

Il faut trouver des espaces pour en débattre, pour confronter ces moyens d’action, pour les dépasser et se coordonner pour les manifs à venir. Le gouvernement et les patrons ciblent la même partie de la population, ne manquons pas, sans pour autant remettre en cause l’autonomie de chaque lutte, les occasions de nous rassembler pour gagner.

NOUS RÉSISTERONS ET BRISERONS TOUTES LES NASSES !

DEPUIS LA COORDINATION NATIONALE DE LUTTE DE RENNES, PROPOSITIONS STRATÉGIQUES POUR LA POURSUITE DU MOUVEMENT

Texte issu de la Coordination Nationale de Lutte qui s’est tenu à Rennes en mars 2018.

Les 17 et 18 mars s’est tenue à Rennes une Coordination Nationale de Lutte, issue du mouvement étudiant contre la sélection à l’université. Elle a abouti à un texte exposant différentes propositions de dates et de stratégies pour la suite du mouvement. La prochaine CNL aura lieu les 31 mars et 1er avril à Bordeaux.

Universités et lycées sont mobilisés, bloqués et occupés depuis 2 mois contre les différentes réformes de l’éducation menées par le gouvernement Macron. Ce mouvement est l’un des multiples foyers depuis lesquels s’organise la contestation contre la dynamique de précarisation généralisée et d’austérité qui s’abat actuellement sur nous. Dans un contexte d’attaques multiples et brutales contre des couches toujours plus larges de la population, une réponse ferme et déterminée doit s’exprimer depuis les différents secteurs touchés. Il ne s’agit toutefois pas de juxtaposer différentes catégories enfermées dans leurs luttes propres (salarié.e.s, étudiant.e.s., chômeur.euse.s, etc.), mais de permettre une intelligence commune de la situation, seule à même de s’opposer concrètement à l’offensive en cours.

Le 17 et 18mars s’est tenue, à l’appel des étudiant.e.s de l’AG de Rennes 2, une Coordination Nationale de Lutte, regroupant des membres de plusieurs universités mobilisées contre les réformes de l’enseignement (Bordeaux, Nantes, Paris 1 et 3, Poitiers, Rennes 1 et 2, Toulouse, Tours) ainsi que des personnes en lutte de différents horizons. Cette initiative se veut un temps de rencontre et de composition, regroupant différents secteurs combatifs, dans le but d’élaborer des analyses et des perspectives stratégiques pour la poursuite.

Nous avons décidé de fonctionner sans mandat car nous n’avons pas de prétention à être représentatifs ou à être un organe décisionnel du mouvement en cours : il s’agissait plutôt d’ouvrir un espace depuis lequel formuler divers constats et propositions, dont nous laissons au mouvement réel le soin d’évaluer la pertinence et de s’en ressaisir selon les modalités qui lui semblera judicieuses.

Parmi les différents éléments que nous avons pu dégager, nous tenons à réaffirmer les trois positions suivantes :

1. La nécessité de défendre une université ouverte, accessible à tou.te.s, lieu d’organisation et d’expérimentation politique, autant que refuge pour les personnes migrantes.
2. Une telle vision de l’université ne peut prendre corps que dans la mesure où nous sommes capables de la défendre contre les interventions policières et la répression administrative.
3. Nous refusons la distinction entre étudiant.e et salarié.e, tant l’université est un lieu où la formation de la force de travail est sous l’emprise directe des exigences du patronat. De plus, dans leur quasi-totalité, les étudiant.e.s constituent déjà une part importante de la main d’oeuvre la plus précaire d’un marché du travail en pleine restructuration.

C’est pourquoi nous formulons les propositions suivantes :

1. Le réinvestissement des universités par des processus de lutte, en en mettant à disposition les locaux et les outils à celles et ceux qui en expriment le besoin dans leur dynamique d’organisation (lycéen.ne.s, salarié.e.s, chômeur.euse.s, migrant.e.s, etc.), ainsi qu’en ouvrant les assemblées du mouvement à toutes et tous.

2. En cas d’intervention policière dans une université, nous appelons à une réponse dès le lendemain dans toutes les universités de France, par le blocage ou toute autre modalité localement définie. De même, nous appelons à réagir de manière solidaire contre toutes les attaques à l’encontre des mouvements de grève en cours ou des occupations de migrant.e.s. De plus, si une présidence d’université tente de répondre à une menace de blocage par la fermeture administrative, nous proposons à chaque AG de voter le principe de reconduction du blocage au lendemain de ladite fermeture.

3. Nous appelons à mettre en place une jonction effective au moyen des outils suivants :

  • Constitution d’Assemblées Générales Interpro/Interluttes
  • Mise en place de têtes de cortèges unitaires regroupant les composantes en lutte dès le 22 mars
  • Renforcement des mouvements de grève en cours par la coordination des jours et des modes d’action entre étudiant.e.s et grévistes, notamment du rail.

 

Nous proposons de rejoindre la journée d’actions contre la réforme de l’éducation du 27 mars, en s’organisant avec les lycées en lutte pour mener des actions en direction du travail précaire et de ses instances de gestion, selon les modalités localement définies.

De plus, nous proposons la date du 3 avril pour organiser dans chaque ville un soutien direct à la grève des cheminot.e.s qui commencera ce jour-là, en allant les rejoindre sur leurs piquets de grève ou en menant tout type de manifestation ou d’action susceptible de renforcer leur mouvement.

Nous appelons les différentes universités à faire leurs cet appel et les propositions qui en découlent. Nous nous retrouverons le 31/03 et le 01/04 à Bordeaux pour une prochaine CNL, que nous souhaitons largement rejointe.